Single Palm, par Elliot Erwitt (1955)

Le format

Dans son livre La Photo, composition et couleurs, Harald Mante affirme que le format vertical invite à une proximité avec le sujet, car ce format limite le regard. À contrario du format horizontal, qui favoriserait le mouvement de gauche à droite (N.D.L.R. : plutôt en occident).

Si je ne suis pas d’accord sur ce dernier point, car beaucoup de photographes parviennent à diriger le regard vers l’objet de leur photo en format horizontal, cette affirmation m’a aidé à percevoir ce que je trouvais à la fois ludique et ingénieux dans la photo Single Palm d’Elliot Erwitt.

Single Palm invite, incite, contraint à une découverte en profondeur.

Nous avons six plans :

  • La pelouse
  • Le muret (avec son escalier bizarre, comme en 2 dimensions
  • La voiture
  • Le panneau à gauche
  • La clôture et son portail
  • Le palmier
  • Les montagnes

Ces six plans se structurent et se distinguent ainsi.

PlansTextureContraste
PelouseMoussueDégradé vers le clair la distinguant du mur
MurMatiéréeUni et sombre, forme en escalier
VoitureLisseBlanc, brillant
PanneauPlatMotif, texte, mat
Mur et portailPlatAplat de valeurs avec une « trouée » opérée par la lumière du lampadaire (ou de la patère)
PalmierUniGris très foncé, noir
Montagne Variée, végétation, minéraleLéger voile, clair

Dévoilé / Caché

La perspective entre les plans est écrasée. Sûrement par l’usage d’un téléobjectif. Ainsi, chacun des plans agit comme une passerelle qui amène le regard à une exploration en profondeur, vers le plan suivant.

Le chemin du regard

Cette exploration en profondeur, dans le cadre de la photo en deux dimensions, part du bas avec la pelouse et remonte jusqu’aux montagnes.

Comme indiqué dans le début de l’article, ce mouvement est ordonné par l’agencement des objets à chaque plan.

La pelouse, avec son dégradé du sombre au lumineux, tire l’oeil vers le mur.

Le mur agit comme un obstacle à franchir par sa forme légèrement arrondie filant vers un escalier. On dira qu’arriver au mur, le regard se laisse porter par la courbe et monte l’escalier pour redescendre « derrière ».

Et ici, la voiture, à moitié cachée par le mur, placée bizarrement légèrement de biais, incite par cette configuration à en suivre les courbes.

Jusqu’à ce qu’on tombe sur la flèche pointant le portail. Et là, le drame, c’est fermé. La solution? Le grimper et l’enjamber.

On se retrouve sur le palmier, que la forme fuselée nous invite à grimper.

Pour admirer les montagnes au loin.

Recadrage

Le cadre d’une photo découpe une porte dans la réalité. Comme toute porte, elle limite le regard et, en même temps, ouvre et crée un passage.

Dans la photo Single Palm d’Elliot Erwitt, la composition par l’agencement des plans déploie une narration, celle du regard, comme nous l’avons envisagé plus haut, mais également une narration diégétique, intradiégétique et extradiégétique.

Hors champs

Pourrait-on tenter de dire que le hors champs droite-gauche est thématique (on prolonge à droite et à gauche, les éléments présentés objectivement dans le cadre de l’image.

Le hors-champs en profondeur est un hors champs interprétatif, c’est au spectateur de recréer son histoire, selon le chemin tracé par le photographe.

Diégétique

  • Une voiture garée face à un portail.
  • Le texte anglais, la voiture américaine, la végétation des montagnes, l’ambiance, manifestement nous sommes en Californie
  • La lumière rasante sur les montagnes et le lampadaire allumé indique que la photo a été prise en début de soirée.

Intradiégétique

La voiture est seule, face au portail dont la lampe est allumée. Quelqu’un s’est garé et était attendu.

Le portail n’est pas celui d’une maison. Manifestement la visite n’est pas amicale mais plutôt professionnelle.

Bizarre que la lampe soit allumée alors que manifestement, il fait encore jour. Peut-être pour signaler une présence?

Extradiégétique

On est dans les codes du film noir des années 50.


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